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Applications des sciences nucléaires

La physique des réacteurs

Ces travaux, dans le cadre de projets européens, se succèdent depuis 2007. Ils portent sur la mesure en ligne de la réactivité d’un ADS, en soutien au projet MYRRHA. Ces expériences sont menées auprès de l’installation GUINEVERE du SCK-CEN, pour lesquelles un contrat de collaboration a été signé entre le CNRS et le SCK-CEN.

Expériences de neutronique pour les réacteurs sous critiques

Les réacteurs nucléaires sous-critiques pilotés par des accélérateurs de particules (ou ADS) pourraient être utilisés avantageusement pour incinérer des déchets nucléaires hautement radiotoxiques tels que les actinides mineurs. En effet, les ADS peuvent fonctionner avec des combustibles fortement chargés en ce type de déchets, bien que ces noyaux aient des fractions de neutrons retardés (β) très faibles. Toutefois, cet avantage ne subsiste que s’il est possible de garantir en permanence que le réacteur de l’ADS reste sous-critique (sa réactivité reste négative).

Afin d’étudier et de valider la méthodologie de monitorage en ligne de la sous-criticité des ADS, le groupe est fortement impliqué dans divers projets européens (projet FREYA du 7ème PCRD d’Euratom (2011-2016), projet MYRTE du H2020 (2015-2019)), et dans le contrat de collaboration MYRACL entre le CNRS/IN2P3 et le SCK-CEN (depuis 2016). Tous ces projets visent à contribuer de manière significative aux activités de conception, de R&D et de licensing de MYRRHA. Ce tout premier prototype d’ADS à l’échelle industrielle dans le monde sera construit à Mol, sur le site du SCK-CEN, et devrait être mis en service en 2033.

Pour la recherche et les études de faisabilité d’un ADS tel que le MYRRHA, il est nécessaire de mener des expériences sur des maquettes. Celle sur laquelle notre groupe travaille est l’installation GUINEVERE, de puissance quasi nulle, également hébergée au SCK-CEN.

GUINEVERE est composée de l’accélérateur GENEPI-3C (construit par l’IN2P3) qui délivre un faisceau de deutérons de 220 keV bombardant une cible de titane tritiée (TiT) placée au centre du réacteur Venus-F. La fusion des deutérons avec le tritium fournit la source externe de neutrons de 14 MeV nécessaire pour initier en permanence de nouvelles chaînes de fission dans le réacteur sous-critique. GENEPI-3C délivre un faisceau pulsé ou continu, avec ou sans interruptions périodiques du faisceau. A l’origine, le cœur du réacteur VENUS-F était chargé de crayons de combustible d’uranium métallique enrichi à 30 % (fournis par le CEA) intercalés entre des réglettes de plomb solide (simulant caloporteur Pb-Bi d’un ADS de puissance), et entouré axialement et radialement d’un réflecteur en plomb. D’autres configurations de VENUS-F, plus représentatives de la conception et de l’instrumentation les plus récentes de MYRRHA ont été étudiées avec l’introduction d’Al2O3, de graphite, de réglettes de bismuth et de dispositifs pour imiter les assemblages d’irradiation de MYRRHA.

La nature modulaire de VENUS-F a permis d’explorer une large gamme de sous criticité. VENUS-F est équipé d’une dizaine de chambres à fission (CF) réparties dans le cœur et ayant des dépôts différents qui permettent d’étudier le flux neutronique et ses variations temporelles pendant les expériences.

Head of the accelerator group (MYRRHA project)
Head of the accelerator group (MYRRHA project)

Le groupe Aval du Cycle Electronucléaire est partie prenante du projet depuis son origine et travaille en étroite collaboration avec le groupe Physique des Réacteurs du LPSC de Grenoble. Pendant la construction de l’installation GUINEVERE et depuis sa mise en service en 2011, le groupe s’est investi dans le monitoring de la source externe de neutrons et dans la proposition, la préparation et la réalisation des expériences, ainsi que dans l’optimisation du dispositif expérimental, à l’aide de simulations Monte Carlo poussées de l’installation. Le groupe analyse les données recueillies et développe des d’outils de simulations numériques ainsi que des approches théoriques complémentaires afin d’interpréter les résultats des expériences.

La méthode MSM, largement étudiée, testée et utilisée par le groupe est appliquée pour déterminer expérimentalement la réactivité absolue de toutes les configurations de VENUS-F. Ces valeurs de réactivité servent de référence pour les comparaisons avec les réactivités estimées avec d’autres techniques dynamiques telles que la technique « d’interruptions du faisceau ». Cette dernière sera utilisée lors du démarrage d’un ADS et, périodiquement, pendant quelques minutes lors du fonctionnement normal d’un ADS de puissance pour déterminer sa réactivité absolue. Le groupe teste aussi expérimentalement la méthode « courant-flux » qui est envisagée pour le monitorage de l’évolution de la réactivité d’un ADS pendant son fonctionnement normal, ou éventuellement durant des situations accidentelles.

Monitoring du chargement d’un cœur avec une source de neutrons pulsée

Les groupes du LPC Caen et du LPSC ont proposé au SCK-CEN un nouveau projet d’accord nommé SALMON qui concerne le monitorage de la réactivité pendant le chargement du cœur d’un réacteur au moyen de mesures dynamiques avec une source externe de neutrons pulsée. L’objectif est d’accroître la sûreté pendant la phase de chargement de réacteurs industriels (voués à être critiques) en adaptant les techniques utilisées pour les ADS. Idéalement, ce projet devrait être divisé en trois phases. Les deux premières, qui sont exploratoires, ont déjà reçu le soutien du SCK-CEN. Les expériences de la phase 1 ont été réalisées en 2019 avec des mesures effectuées lors des différentes étapes du déchargement du réacteur VENUS-F et de fait, pour des cœurs très asymétriques associés à un keff allant de 0,86 à 0,55, GENEPI-3C fonctionnant en mode pulsé. Ce mode a été choisi parce qu’il s’agit du mode de fonctionnement standard des générateurs de neutrons commerciaux.

Le spectre rapide de VENUS-F, un inconvénient en termes de représentativité des réacteurs de puissance actuels, a offert la possibilité d’étudier le monitorage du chargement d’un futur réacteur rapide de puissance. Les résultats préliminaires sont très prometteurs.

La phase 2 pourra être réalisée lorsque le réacteur VENUS-F redeviendra un réacteur thermique à eau de type piscine avec du combustible faiblement enrichi. Les expériences réalisées lors de la phase 1 seront répétées lors du chargement de cette version thermique de VENUS, qui est évidemment beaucoup plus représentative des REP. La phase 2 de SALMON s’inscrit dans le cadre du projet intégré SUCRE accepté par le programme de recherche multipartenaires NEEDS du CNRS en février 2020.

L’analyse des résultats des deux premières phases en termes d’impact de la mesure de la réactivité sur le monitorage du chargement du cœur et de la transposition à un réacteur de puissance permettra d’envisager une troisième phase à plus large échelle. Cette phase devrait porter à la fois sur la recherche (ou le développement) d’un générateur de neutrons miniature répondant aux spécifications (performances, taille) établies lors des phases précédentes, et sur de nouvelles expériences, plus représentatives du chargement du combustible dans un REP.

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