FAZIA
Couplage INDRA-FAZIA

Description

Depuis 2008, un effort important a été engagé dans la recherche et développement d’un nouvel appareillage de détection utilisant les techniques numériques, c’est le projet FAZIA. Celui-ci est né de la collaboration d’une dizaine de laboratoires européens (France, Italie, Pologne, Espagne, Roumanie) comprenant une cinquantaine de physiciens, ingénieurs et techniciens qui se sont regroupés afin de construire un multidétecteur de nouvelle génération, utilisant les dernières technologies disponibles en ce qui concerne la détection ainsi que l’électronique associée. Le point fort de FAZIA est de permettre l’identification complète, en terme de numéro atomique Z et masse A de l’ensemble des produits de réaction entre Z=1 et Z=20-25 comme le montre la figure 3. Cette performance est unique en son genre et ne peut être actuellement dépassée qu’en utilisant un spectromètre magnétique, au prix de réglages qui s’avèrent souvent complexes.

Carte N-Z présentant l'identification obtenue pour des noyaux avec FAZIA comparée à celle de INDRA en grisé.
Carte N-Z présentant l'identification obtenue pour des noyaux avec FAZIA comparée à celle de INDRA en grisé.

Les données sont issues de l’expérience FAZIASYM réalisée au LNS Catania en Juin 2016 sur le système 40Ca+40Ca à 35 MeV par nucléon.

Après une phase de R&D de quelques années avec de nombreuses expériences faites au LNS Catania en Sicile, la collaboration FAZIA a ainsi mis au point un démonstrateur complètement opérationnel comprenant 192 télescopes de détection Silicium-Silicium-CsI organisés sous forme de 12 blocs de 16 télescopes. Chaque bloc comprend son électronique (analogique+numérique) embarquée qui a été spécialement développée par la collaboration. Une collaboration a d’ailleurs été initiée en 2018 avec plusieurs laboratoires de Corée du Sud afin de continuer à développer une électronique toujours plus performante et intégrée. Le démonstrateur est à l’heure actuelle couplé avec le multidétecteur INDRA (Figure 4) afin de fournir l’appareillage de détection le plus performant de son domaine au niveau international.

INDRA-FAZIA
Schéma du couplage entre INDRA (à gauche) et le démonstrateur FAZIA (à droite) en configuration pour l'expérience E789 au GANIL en Mars 2019.

Expérience E789 : dépendance en densité de l'énergie de symétrie

Une première expérience INDRA-FAZIA a été réalisé en Avril-Mai 2019 au GANIL, il s’agit de l’expérience E789. Celle-ci a été couronnée de succès et a permis de récolter des données de haute qualité avec une grande statistique (plus de 60 millions d’événements). L’objectif est ici de caractériser la dépendance en densité de l’énergie de symétrie de l’équation d’état (notamment le terme Lsym) par l’étude des collisions semi-périphériques des systèmes 58,64Ni+58,64Ni à 32 et 52 MeV par nucléon. En effet, dans ce type de collision, les 2 noyaux projectile et cible échangent des nucléons (protons et neutrons) lors de la phase de recouvrement. Cet échange est notamment gouverné par la valeur de Lsym ainsi que de la différence de densité entre la zone de recouvrement et les noyaux projectile et cible. L’utilisation des différentes combinaisons de noyaux de 58Ni et 64Ni en tant que projectile et cible permettent alors de contraindre de manière plus précise la dépendance en densité de l’énergie de symétrie par l’intermédiaire de la mesure de double rapport isotopiques. Les calibrations des données sont en cours et devraient aboutir à plusieurs publications fin 2020 – début 2021.

INDRA (à gauche) et FAZIA (à droite) dans la chambre à vide de la salle D5 au GANIL lors de l'expérience E789.
INDRA (à gauche) et FAZIA (à droite) dans la chambre à vide de la salle D5 au GANIL lors de l'expérience E789.

Production de clusters dans la matière nucléaire chaude et diluée

Une demande d’expérience a été faite au prochain PAC du GANIL en Septembre 2020. Il s’agit d’une expérience visant à élargir nos connaissances sur la production de clusters (noyaux légers de masse inférieure à 15) dans le milieu nucléaire chaud et peu dense (r<r0/6), tel que rencontré dans les phases d’effondrement des supernovæ. En effet, des études théoriques montrent que les effets dus au milieu nucléaire modifient les taux de production des clusters et doivent explicitement être pris en compte pour décrire les taux observés. C’est ce qu’illustre la figure ci-dessous qui présente les constantes d’équilibre chimique de 6 noyaux légers (clusters) en fonction de la densité. Ces constantes sont directement reliés aux taux de production de ces clusters. Les zones en grisé donnent les prédictions théoriques associées à un modèle de champ moyen relativiste (RMF) preant en compte les effets de milieu. L’accord obtenu est excellent et démontre le fait que les effets liés au milieu nucléaire (densité et température) sont à prendre en compte pour la description de la matière nucléaire à faible densité et chaude, telle qu’elle est présente dans les phases d’effondrement des supernovæ. Ces premiers résultats de la collaboration INDRA ont fait l’objet d’une nouvelle scientifique de l’IN2P3.

   Les taux de production des clusters sont également importants car il conditionne les propriétés thermiques (conductivité et opacité) de la proto-étoile à neutrons. C’est pourquoi la collaboration INDRA-FAZIA souhaite continuer à étudier les événements les plus violents obtenus lors de la phase de vaporisation de systèmes légers comme 58Ni+58Ni ou encore 40Ar+58Ni à haute énergie, ici 74 MeV par nucléon afin d’affiner et d’étendre les résultats expérimentaux à des clusters plus lourds (Z>2). La combinaison des détecteurs INDRA et FAZIA sera alors déterminante pour obtenir les informations les plus précises sur les taux de production des clusters dans de tels événements, ceci en fonction de la densité et de la température.

Constantes d'équilibre chimique en fonction de la densité pour six noyaux légers (clusters) obtenues par la collaboration INDRA. Les zone en grisé donnent les prédictions théoriques d'un modèle relativiste de champ moyen (RMF) tenant compte des effets de milieu nucléaire.
Constantes d'équilibre chimique en fonction de la densité pour six noyaux légers (clusters) obtenues par la collaboration INDRA. Les zone en grisé donnent les prédictions théoriques d'un modèle relativiste de champ moyen (RMF) tenant compte des effets de milieu nucléaire.

Extrait de H. Pais, R. Bougault et al., Physical Review Letters 125, 012701 (2020)