RECHERCHE

Particules et interactions fondamentales

KM3NeT

Kilometer Cube Neutrino Telescope

Depuis la nuit des temps, l’homme observe le ciel, par crainte, par plaisir, pour s’orienter ou pour comprendre son environnement. Jusqu’à très récemment, cette observation de l’Univers se faisait essentiellement grâce aux photons sur une très large gamme de fréquences. Ces photons sont des particules neutres et ne sont donc pas déviés par les champs magnétiques qui règnent dans et entre les galaxies jusqu’aux confins de l’Univers. Cet avantage leur permet de sonder des objets ponctuels du Cosmos. Ainsi, de nombreuses photographies et/ou cartes du ciel ont pu être obtenues dans des domaines de longueurs d’onde allant des ondes radio aux rayons gamma, en passant par le domaine optique ou les rayons X.

Depuis quelques années, deux nouveaux messagers très prometteurs nous permettent de mieux appréhender les phénomènes violents qui régissent la dynamique du Cosmos et les débuts de l’Univers. Les ondes gravitationnelles, détectées pour la première fois en septembre 2015, constituent l’un de ces messagers, le second est le neutrino dont l’existence a été postulée en 1930 et qui a été découvert expérimentalement en 1956. Cette particule, neutre et de très faible masse comparée aux autres particules, partage avec le photon la propriété de ne pas être déviée par les champs magnétiques intergalactiques. L’avantage du neutrino sur le photon tient au fait que lui n’interagit pas de manière électromagnétique avec la matière, mais uniquement par interaction faible. Cela lui permet donc de traverser de gigantesques quantités de matière (même dense) et de parcourir d’immenses distances intergalactiques sans être perturbé. Cependant, cet avantage s’avère aussi être un inconvénient, car cette très faible interaction avec la matière le rend très difficile à détecter. Pour pouvoir détecter quelques-unes de ces fugaces particules, il faut alors construire d’énormes détecteurs ou télescopes à neutrinos avec une taille de l’ordre du km³. Dans le monde, plusieurs collaborations internationales se sont lancées dans cette difficile et passionnante aventure.

Le groupe Astroparticules et MultiMessagers du laboratoire de physique corpusculaire de Caen (LPC Caen) s’engage au sein de la collaboration KM3NeT (KiloMeter Cube Neutrino Telescope) qui construit actuellement un ensemble de détection de neutrinos sur le fond de la mer Méditerranée. Une fois sa construction achevée, KM3NeT sera constitué de deux détecteurs distincts : ARCA (Astroparticle Research with Cosmics in the Abyss), situé à 100 km au large de la pointe sud-est de la Sicile par 3200 m de fond, est optimisé pour l’astronomie des neutrinos à haute énergie, et ORCA (Oscillations Research with Cosmics in the Abyss), situé à 40 km au sud de Toulon par 2450 m de fond, est dédié à l’étude des oscillations des neutrinos atmosphériques.

photographie d’une des plus anciennes représentations du ciel découvertes en Europe : le disque de Nebra entre 1600 et 50 av. JC
photographie d’une des plus anciennes représentations du ciel découvertes en Europe : le disque de Nebra entre 1600 et 50 av. JC

Implication du laboratoire

Au LPC Caen, nous nous impliquons pour le moment sur la composante ORCA de l’expérience (Figure 1 ci-dessous) qui s’intéresse plus particulièrement aux propriétés intrinsèques des neutrinos de différentes saveurs νe, νμ et ντ (associés respectivement aux leptons chargés que sont l’électron e, le muon μ et le tau τ) et à leurs oscillations : au cours des dernières décennies, des expériences ont en effet montré que les neutrinos peuvent changer leur saveur (νe↔νμ, νe↔ντ, νμ↔ντ) tout en se propageant dans l’espace. Les probabilités d’oscillation des neutrinos pour passer d’une saveur à une autre sont décrites par la matrice de mélange des neutrinos ou matrice PMNS nommée ainsi à partir des initiales des chercheurs qui l’ont introduite. Une importante question reste ouverte en physique des particules : cette matrice de mélange des neutrinos est-elle unitaire ou non ? Si l’unitarité de cette matrice était mise en défaut, cela serait en contradiction avec les prédictions du modèle standard de la physique des particules et signerait l’existence d’une nouvelle physique. Actuellement, les incertitudes sur plusieurs éléments de la matrice PMNS sont trop importantes pour tirer des conclusions sur son unitarité. Cela est principalement dû aux faibles statistiques expérimentales dans le secteur des neutrinos tau ντ. Plusieurs projets expérimentaux, ont pour but d’augmenter cette statistique afin de déterminer avec précision les paramètres physiques liés à ce secteur. L’expérience KM3NeT / ORCA s’inscrit dans cette démarche et permettra de mesurer 4000 neutrinos tau par an dans sa version finale. La prise de données a débuté avec les lignes de détection déjà installées et s’intensifiera jusqu’au déploiement des 115 lignes attendues.

Réseau de détection de neutrinos ORCA implanté au large de Toulon sur le fond de la mer Méditerranée à 2450 m de profondeur. Expérience KM3NeT.
Sphères instrumentées de 31 PMT qui sont positionnées tous les 9 m. Expérience KM3NeT.

Figure 1: Réseau de détection de neutrinos ORCA implanté au large de Toulon sur le fond de la mer Méditerranée à 2450 m de profondeur.

À terme ORCA sera constitué de 115 lignes de détection espacées d’environ 20 m et comprenant chacune 18 sphères instrumentées de 31 PMT (voir photo de droite) qui sont positionnées tous les 9 m. Les lignes sont maintenues verticales à l’aide d’une bouée attachée à leur extrémité. Cet ensemble forme un détecteur à neutrinos qui mesure la lumière Čerenkov émise par les particules chargées issues de l’interaction des neutrinos avec la matière (noyau et manteau de la terre ou eau de mer).

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