RECHERCHE

Applications des sciences nucléaires

Sections efficaces & hadronthérapie

La hadronthérapie est une technique de traitement très prometteuse qui propose de substituer aux traditionnels faisceaux de photons ou d’électrons, des faisceaux de protons, on parlera alors plus spécifiquement de protonthérapie, ou d’ions allant de l’hélium à l’oxygène.

La Région Normandie a décidé de se doter du premier centre de recherche en hadronthérapie en France. C’est le projet ARCHADE qui devrait livrer ses premiers faisceaux vers 2025.

L’avantage indéniable des faisceaux d’ions, relativement aux faisceaux de photons ou d’électrons est que chaque particule incidente est relativement peu déviée par les constantes interactions coulombiennes qu’elle subit lors de son ralentissement. En d’autres termes, un ion va (presque) tout droit et s’arrête précisément là où l’on veut (en ajustant son énergie initiale). C’est un avantage balistique que partagent tous les ions. Cet avantage balistique est doublé d’un avantage dosimétrique lié à la nature de l’interaction coulombienne. Plus l’ion est lent, plus il est freiné, et plus son énergie est transférée efficacement au milieu environnant. L’avantage dosimétrique se matérialise par l’apparition d’un pic de dose à la fin du parcours de l’ion. C’est le pic de Bragg. Le pic de Bragg est la manifestation du Transfert d’Energie Linéique, ou encore TEL, des ions sur le milieu. On verra plus loin que dosimétrie et balistique sont couplés à un avantage biologique, cette fois-ci spécifique à l’ion incident.

Transfert d'énergie linéique en fonction du parcours pour une ion 12C dans l'eau (Simulation GEANT4). La courbe noire correspond à une simulation dans laquelle le processus de collisions entre noyaux a été désactivé.
Transfert d'énergie linéique en fonction du parcours pour une ion 12C dans l'eau (Simulation GEANT4). La courbe noire correspond à une simulation dans laquelle le processus de collisions entre noyaux a été désactivé.

Cependant, les ions incidents ne subissent pas que des interactions coulombiennes. En effet, il peut arriver qu’ils entrent en collision avec un atome du milieu traversé (le patient en l’occurrence). Ce genre d’événement est d’autant plus probable que l’ion incident ou la cible présentent des surfaces apparentes importantes. Cette probabilité est mesurée à travers une grandeur appelée section efficace de collision qui dépend de l’ion incident et de la cible. Pour fixer un ordre d’idée, approximativement 50% des ions d’un faisceau de carbone subissent ce genre de collision sur 16cm de parcours dans le patient.

Cette collision nucléaire est violente et conduit à la dislocation de l’ion incident et de l’atome en fragments de nature aléatoire. C’est le phénomène de fragmentation. Les fragments du faisceau (plus légers) vont globalement à la vitesse de l’ion incident. Comme il sont plus légers, ils sont freinés moins efficacement et dépassent le point d’arrivée prévu de l’ion incident délocalisant ainsi la dose au-delà de la tumeur. Ces fragments vont d’autant plus loin que leur taille est faible. C’est la queue de fragmentation. En résumé, pour une cible située à 15 cm de profondeur, approximativement 50% des ions envoyés vont fragmenter et les fragments et contribuer à la queue de fragmentation. Celle-ci représente approximativement 10 à 20% de la dose délivrée, mais cette dose est délocalisée en aval de la tumeur. Il est, dès lors, important de connaître la nature et les paramètres physiques de ces fragments (nature, charge, angle, énergie). Cette connaissance est résumée dans la section efficace différentielle de fragmentation. Les sections efficaces de fragmentations sont directement utilisées dans les logiciels de planification de traitement pour simuler le dépôt de dose dans le patient.

Outre le phénomène de base (comment est déposée la dose dans le patient), ces sections efficaces ont également un autre intérêt. En effet, parmi les fragments produits (particulièrement sur la cible), se trouvent des radio-isotopes émetteurs β+ qui sont exploitables en tomographie par émission de positrons (TEP). La tomographie de ces émetteurs permet alors la vérification qualitative du dépôt de dose dans le patient. On parle alors d’imagerie TEP en ligne. Des campagnes expérimentales utilisant le dispositif de mesures PEPIT ont eu lieu afin de mesurer les sections efficaces de production de ces émetteurs β+ dont la plus récente date du printemps 2019.

Réalisation :

Le GrAMI a une activité importante de mesure de ces sections efficaces différentielles de fragmentation. Quatre campagnes de mesures à basse énergie ont été réalisées au GANIL avec des ions carbones depuis 2011. Les sections efficaces mesurées sont disponibles sur le site WEB http://hadrontherapy-data.in2p3.fr.

Schéma du spectromètre de masse FRACAS permettant la mesure des sections efficaces de fragmentation des particules du faisceau.
Schéma du spectromètre de masse FRACAS permettant la mesure des sections efficaces de fragmentation des particules du faisceau.

Un dispositif de mesure dédié nommé FRACAS (FRAgmentation du CArbone et Sections efficaces) est en cours de réalisation pour effectuer ces mesures de sections efficaces de fragmentation du faisceau à haute énergie au centre ARCHADE.

Le dispositif PEPIT est quant à lui dédié à la mesure des émetteurs β+ dans la cible lors d’une irradiation par des faisceaux d’ions.

Dessin du dispositif PEPIT permettant la mesure des sections efficaces de production des émetteurs β+ après l’irradiation d’une cible
Dessin du dispositif PEPIT permettant la mesure des sections efficaces de production des émetteurs β+ après l’irradiation d’une cible
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