RECHERCHE

Physique nucléaire

Modélisation microscopique des astres compacts

Depuis la récente (2017) détection d’ondes gravitationnelles (OG) lors de la coalescence de deux étoiles à neutrons (NS) et la naissance d’une véritable astronomie multi-messager associée, il est clair que la physique nucléaire a un rôle clé à jouer dans la compréhension de ces phénomènes astrophysiques spectaculaires, en fournissant des données théoriques et expérimentales microscopiques qui peuvent être mises en connexion directe avec les observations. 

L’équipe théorie du LPC est impliquée depuis plusieurs années dans la modélisation microscopique de la matière dense telle que se trouve dans tous les phénomènes astrophysiques concernant les astres compacts, à savoir les étoiles et proto-étoiles à neutrons (pulsars, magnetars, sources gamma et X), les supernovae à effondrement de cœur et les binaires d’étoiles à neutrons, avec des méthodes théoriques variées (approches variationnelles, théorie Thomas-Fermi étendue, champ moyen relativiste, modèle de goutte liquide compressible, modèles statistiques). Plus spécifiquement, notre expertise concerne la modélisation théorique de l’équation d’état (EoS), composition et transitions de phase de la matière baryonique dans les conditions de densité et température où elle peut être décrite par de degrés de liberté nucléoniques ou hypéroniques.  Dans le contexte des découvertes actuelles, notre recherche vise (i) d’une part à établir une connexion directe et quantitative entre les données microphysiques et les observables astrophysiques à l’aide de techniques statistiques avancées, (ii) et d’autre part à développer des outils théoriques originaux pour décrire l’EoS à température finie, sujet qui est encore traité avec des fortes approximations.

Nos résultats principaux peuvent être schématisés de la façon suivante :

Régime dégénéré

Nous avons développé une technique de meta-modélisation de l’EoS [3] qui permet d’extrapoler avec des techniques Bayesiennes les incertitudes sur les données microscopiques (expérimentales ou théoriques) dans des prédictions contrôlées des observables astrophysiques, telles que les masses et rayons des astres compactes, la polarisabilité de marée mesurable par le signal de OG, le moment d’inertie de la croûte, l’amplitude des glitches des pulsars.

Nous avons étendu le formalisme initialement valable seulement pour la matière homogène en phase liquide, à la phase solide de la croûte et la matière inhomogène associée [7]. Ceci a permis d’avoir un traitement unifié de l’EoS ce qui nous avons montré être indispensable pour une évaluation correcte du rayon des NS [1] tel que peut être estimé par les mesures de la polarisabilité de marée, et de montrer pour la première fois le rôle clé de l’énergie de surface des noyaux très riches en neutrons dans la détermination des propriétés de la croûte.

Figure tirée de DOI: 10.1103/PhysRevC.100.055803

Estimation bayesienne du moment d’inertie (en ordonnées) et de l’épaisseur (en abscisses) d’une étoile à neutron de masse M=1.4Mo, avec prise en compte des contraintes provenant des données expérimentales en physique nucléaire, des calculs ab-initio, et des contraintes observationnelles. Les symboles donnent les prédictions de quelques modèles populaires d’équation d’état.
Estimation bayesienne du moment d’inertie (en ordonnées) et de l’épaisseur (en abscisses) d’une étoile à neutron de masse M=1.4Mo, avec prise en compte des contraintes provenant des données expérimentales en physique nucléaire, des calculs ab-initio, et des contraintes observationnelles. Les symboles donnent les prédictions de quelques modèles populaires d’équation d’état.
Composition de la croute d’une étoile à neutrons à différentes températures, où Tm représente la température de cristallization, obtenue avec l’équation d’état unifiée BSK24.
Composition de la croute d’une étoile à neutrons à différentes températures, où Tm représente la température de cristallization, obtenue avec l’équation d’état unifiée BSK24.

La continuation évidente de ce projet concerne la proposition de formes d’onde pour l’analyse des signaux d’OG incorporant la connaissance microscopique actuelle de l’EoS. Dans ce contexte, l’équipe est membre de la collaboration VIRGO depuis Décembre 2020.

Température finie

La difficulté supplémentaire de la modélisation à température finie consiste dans le fait que, si la densité est en dessous de la densité de saturation nucléaire, la matière est organisée en agrégats de nucléons (clusters) et la distribution statistique des microétats doit être explicitement considérée. Nous avons produit [5] la seule table d’équation d’état incluant la distributions complète des clusters et basée sur des fonctionnelles non-relativistes modernes qui soit disponible publiquement pour une utilisation directe dans les calculs de collapse de cœur. Cette table est disponible sur l’archive CompOse https://compose.obspm.fr/ et permet partiellement de tester l’effet de la microphysique sur le collapse, par comparaison avec les modèles relativistes calculés par d’autres équipes et disponibles sur le même archive.

Afin de pouvoir tester séparément les différents ingrédients physiques, nous avons développé [4] une approche théorique perturbative originale qui permet de calculer la distribution des clusters à partir de tout modèle standard d’EoS, basé sur l’approximation de noyau unique.   Grâce à cette approche, nous avons pu deconvoluer l’effet des différents ingrédients, et montrer que la variable clé est données par les taux de capture électronique sur les noyaux très riches en neutrons [2]. Tout récemment [8], nous avons étendu cette approche à l’étude de la cristallisation de la croûte et produit le premier calcul microscopique auto-cohérent du facteur d’impureté qui gouverne les taux de diffusions neutrino dans les proto-NS.

Distribution de noyaux normalisée en fonction de la densité dans la croûte interne, calculée à la température de crystallization.
Distribution de noyaux normalisée en fonction de la densité dans la croûte interne, calculée à la température de crystallization.
Distribution de noyaux à différentes densités et température. L’estimation simplifiée du noyau unique est donnée par les lignes verticales.
Distribution de noyaux à différentes densités et température. L’estimation simplifiée du noyau unique est donnée par les lignes verticales.

Finalement nous avons commencé à nous attaquer au problème de la détermination de la modification de la masse des petits agrégats dans un milieu dense [6] et suggéré une méthode novatrice d’analyse de données de multi-fragmentation nucléaire pour pouvoir contraindre les paramètres de la théorie.

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