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Physique nucléaire

L'équation d'état dans le contexte astrophysique

L’équation d’état de la matière nucléaire est également cruciale pour la description d’objets stellaires compacts comme les étoiles à neutrons dans le contexte astrophysique. Dans ce cas, il est nécessaire d’atteindre le rapport nombre de neutrons N sur protons Z (isospin N/Z) le plus grand possible comme celui rencontré dans les étoiles à neutrons. C’est pourquoi l’un des enjeux actuels du domaine est l’étude de la dépendance isovectorielle (isospin) de l’équation d’état, celle-ci étant décrite par l’énergie de symétrie. L’énergie de symétrie est en effet l’énergie nécessaire à un système nucléaire pour passer d’un rapport égal entre neutrons et protons (matière symétrique) à une matière composée uniquement de neutrons (matière neutronique). Cette quantité est à l’heure actuelle mal contrainte par les données expérimentales ainsi que les modèles, notamment en ce qui concerne sa dépendance en densité. La figure 2 présente différentes prédictions théoriques existantes confrontées aux résultats expérimentaux. On s’aperçoit que les incertitudes deviennent très importantes pour le régime de haute densité (ρ>1) mais également à densité intermédiaire (0.2<ρ<0.7).
Dépendance en densité de l'énergie de symétrie S(ρ). La densité est ici exprimée en fraction de la densité de saturation ρ0. Les différentes courbes montrent les prédictions théoriques attendues. La zone en turquoise donnent les contraintes obtenues expérimentalement. Extrait de B. Brown, Physical Review Letters 85 (2001).
Dépendance en densité de l'énergie de symétrie S(ρ). La densité est ici exprimée en fraction de la densité de saturation ρ0. Les différentes courbes montrent les prédictions théoriques attendues. La zone en turquoise donnent les contraintes obtenues expérimentalement. Extrait de B. Brown, Physical Review Letters 85 (2001).
L’objectif actuel de l’équipe Dynamique et Thermodynamique nucléaire est d’essayer d’apporter les contraintes expérimentales les plus précises, permettant d’atteindre une incertitude sur la part isovectorielle (notamment sur le terme Lsym de l’énergie de symétrie) de l’équation d’état inférieure à 10% contre 30% à l’heure actuelle. Le tableau 1 présenté ci-dessous donne les estimations actuelles <ρα> ainsi que les incertitudes δρα connues en ce qui concerne les différents termes de l’équation d’état de la matière nucléaire. On notera que 2 estimations, Esat et ρ0 sont très bien connues (1%), alors que toutes les autres souffrent d’incertitudes allant de 10% à 200% pour certaines.

Tableau 1: Estimations moyennes <Pa> et incertitudes associées sPa des différents termes de l’équation d’état connues actuellement. Extrait de J. Margueron et al., Physical Review C 97, 025085 (2018).

La caractérisation précise de l’équation d’état de la matière nucléaire passe par l’étude des collisions entre noyaux (ions lourds) autour de l’énergie de Fermi (EFermi = 38 MeV par nucléon). Dans ce cas, les noyaux atomiques sont caractérisés par la donnée de l’équation d’état qui représente le terme de volume (bulk), supplémenté d’un terme lié à la surface finie de ceux-ci ainsi que de l’interaction coulombienne entre protons. L’étude des collisions permettent aussi d’apporter des contraintes expérimentales concernant la dynamique de la collision (propriétés de transport et d’équilibration) ainsi que la thermodynamique des systèmes nucléaires produits (diagramme de phase de la matière nucléaire et équation d’état). Les faisceaux utilisés proviennent essentiellement des accélérateurs GANIL à Caen (France), GSI à Darmstadt (Allemagne) ainsi que LNS à Catania (Italie), qui sont capables de délivrer les faisceaux projectiles dans la gamme d’énergie incidente encadrant l’énergie de Fermi et comprise entre 20 et 100 MeV par nucléon. L’utilisation de différents combinaisons de faisceaux projectiles et cibles permettent alors de faire varier la quantité d’énergie, la masse des systèmes nucléaires éphémères créés lors des collisions, ainsi que le rapport entre nombre de neutrons et de protons (isospin). Le dispositif expérimental utilisé à partir de 1993 est le multidétecteur INDRA (collaboration comprenant 4 laboratoires de l’IN2P3), à travers des données récoltées depuis plus de 25 ans auprès du GANIL (faisceaux stables et SPIRAL) ainsi que du GSI en Allemagne. Le programme expérimental se poursuit depuis 2019 grâce à l’apport d’un nouveau multidétecteur appelé FAZIA dans le cadre d’une collaboration internationale.

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